L’histoire de l’humanité selon la tradition des Indiens Hopis (suite 2)

Pendant des siècles‚ les gens de Palátquapi restèrent sur le droit chemin. Partout régnait l’harmonie. Après un certain temps‚ certains clans commencèrent à partir pour s’installer plus loin. Plus les nouvelles colonies s’éloignaient et moins elles avaient de contacts avec nos enseignants les Kachinas. Les hommes qui avaient atteint le niveau le plus élevé de notre Grande Ecole furent envoyés comme délégués dans ces nouvelles colonies. Ils utilisaient leur troisième œil pour choisir les jeunes gens à qui ils pouvaient transmettre leur savoir. Mais‚ finalement‚ beaucoup de colonies perdirent le contact avec nos guides et quittèrent le droit chemin. A l’intérieur des clans et aussi entre les différents clans‚ des disputes éclatèrent et eurent pour conséquence de séparer les clans. Encore plus de gens quittèrent Palátquapi. Ils partirent en Amérique Centrale et au Yucatán. Ils construisirent des villes‚ et de grandes cultures y prirent également naissance.

A nouveau une époque survint où même des guides spirituels se mirent du côté des pécheurs‚ je veux dire que eux aussi quittèrent le droit chemin. Et le temps arriva où notre peuple fut à nouveau séparé.

Les clans les plus importants qui quittèrent Palátquapi furent le clan du serpent et le clan de l’arc. Mais de ces deux clans‚ des parties importantes restèrent à Palátquapi. Il s’agissait de gens qui continuaient à obéir aux lois du créateur. Je dois ici t’expliquer la structure de nos clans‚ pour que tu comprennes la répercussion que peut avoir une telle scission.

Pour comparer‚ imagine deux frères portant naturellement le même nom de famille. Quand un des frères déménage‚ il y aura deux fois le même nom de famille‚ une fois dans la ville et une fois ailleurs. Je vais citer le clan du serpent comme exemple. Comme tous les clans‚ le clan du serpent comprend plusieurs groupes. Dans le cas présent‚ ce sont six groupes appelés également clans‚ car nous avons un serpent à six têtes. Le groupe le plus élevé est le clan Kaátoóya. Kaátoóya est le serpent qui montre la direction de l’ouest‚ c’est-à-dire du coucher du soleil‚ la mort. D’après la tradition du clan du serpent‚ c’est le serpent le plus important car c’est lui qui prononce la sentence quand nous quittons la terre. Ici‚ tu peux voir comment nous utilisons et parlons des symboles. Les gens pensent que nous n’avons rien d’autre‚ mais c’est faux car nous savons ce qu’il y a derrière les symboles. Dans le cas présent‚ Kaátoóya est la divinité la plus importante du clan du serpent‚ mais nous parlons d’elle comme d’un serpent. Pour les autres cinq directions‚ il y a chaque fois un serpent et un clan. Quelques-uns des clans du serpent étaient devenus désobéissants envers leur divinité Kaátoóya‚ à Palátquapi‚ et sont partis. Mais trois clans – ouest‚ est et nord – sont restés avec leur divinité. C’est pourquoi nous pouvons dire d’un côté que le clan du serpent avait quitté la ville et de l’autre côté que le clan du serpent était resté en ville. Tu vois‚ il n’y a pas de contradiction. Dans le cas du clan du serpent‚ il arriva même que ceux qui sont partis ont fait plus tard la guerre contre leur propre divinité la plus élevée.
Comme je l’ai dit‚ les clans qui sont partis de Palátquapi ont construit beaucoup de villes. Quelques ruines de ces villes furent retrouvées‚ mais on en découvrira davantage dans le futur‚ il y aura donc plus de preuves pour notre tradition. La capitale du clan de l’arc était le grand centre de Tikal. On y a trouvé une sculpture d’une tête en pierre avec un serpent dans la bouche. Il s’agit de la divinité Saáviki. Je te raconterai plus tard une histoire à son sujet.

  Vue aérienne de Tikal.
 
Vue aérienne de Tikal

Le Yucatán fut peuplé par le très puissant clan du serpent. Là aussi‚ beaucoup de villes furent construites. Sur de nombreux rochers se trouve le serpent à plumes. Chichen Itza était la capitale. Les chefs de ces clans étaient partis de Palátquapi parce qu’ils voulaient régner eux-mêmes et‚ bientôt‚ ils se sentirent aussi forts que ceux de Palátquapi. Ils quittèrent le droit chemin et prirent des chemins différents. Jusqu’à ce moment-là‚ et pendant toute la première phase de la séparation‚ Palátquapi fut toujours le vrai centre. Je dirais que les autres villes au Yucatán et en Amérique Centrale furent des villes secondaires. Mais l’émigration affaiblissait la puissance de Palátquapi et ses chefs pressentaient qu’il y aurait la guerre. En même temps‚ beaucoup de clans restèrent attachés à leur croyance‚ la plupart d’entre eux demeurèrent à Palátquapi. Mais certains furent également parmi les émigrants et purent être‚ malgré tout‚ en mesure de rester sur le droit chemin car ils n’avaient jamais participé à la destruction des anciens mondes‚ ils étaient les élus. Quand les initiés de très haut rang‚ qui avaient atteint le quatrième niveau‚ virent le danger‚ ils se rendirent dans les autres villes afin d’obtenir une réunification‚ mais ils n’eurent plus de pouvoir sur elles.
Il y eut de nombreux démêlés guerriers dans toute la région. Le clan du serpent et le clan de l’arc – les parties de ces clans qui avaient quitté Palátquapi – se combattirent. Finalement‚ les guerres eurent pour conséquence la complète destruction des villes. Les continuelles atteintes contre les lois divines provoquèrent une telle perversion et un tel désordre dans toute la région que les gens voulurent simplement ne plus y vivre. Tout fut dégradé et personne ne put remplir correctement ses obligations religieuses. Ils ne purent rien faire d’autre que de partir à nouveau en migration. Certains de ces clans s’installèrent ici‚ à Shingópovi‚ puis à Oraibi‚ et enfin à Hotevilla. C’est pourquoi à Hotevilla‚ encore aujourd’hui‚ chaque année au mois de février a lieu la célébration du serpent à plumes.

Au cours de ces temps terribles à Palátquapi et au Yucatán‚ les Kachinas nous quittèrent. C’est depuis ce temps qu’ils ne sont plus avec nous et tout ce que nous pouvons faire est de prendre exemple sur eux. Quand ils sont partis‚ ils nous ont dit : “A partir de maintenant‚ vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes.”

Peut-être te demandes-tu comment ce malheur a pu s’abattre sur Palátquapi et le Yucatán en dépit de la présence des Kachinas. Je peux te dire qu’à chaque fois‚ dans le passé‚ que quelque chose du même genre est arrivé‚ cela n’était pas le plan des Kachinas mais des hommes. Les Kachinas les ont mis en garde‚ mais la plupart des hommes voulaient conquérir et faire des guerres. Ils n’écoutaient pas les sermons et conseils et continuèrent à porter atteinte aux lois du créateur. C’est la raison pour laquelle beaucoup de clans et peuples furent détruits. Quand les clans menaient réellement la guerre‚ les Kachinas ne s’en mêlaient pas. Ils ne voulaient pas s’en mêler car la terre appartient aux hommes. C’est l’homme qui est responsable et il détermine ses actes lui-même. Ce que les hommes ont fait‚ ils l’ont fait d’eux-mêmes‚ et ils vont en subir les conséquences. Mais le jour du règlement des comptes n’est pas encore là. Seulement aujourd’hui‚ à notre époque‚ l’humanité approche du temps de la punition.

Beaucoup de légendes existent concernant les combats pendant ces temps de troubles et de destructions.

Un groupe de clans émigra vers le nord en direction de la barrière de glace. Quand ils arrivèrent‚ des différences d’opinion éclatèrent entre les chefs. Certains clans restaient fidèles aux anciennes croyances pendant que d’autres s’en détachaient. Ces derniers décidèrent d’arrêter la migration et de retourner à Palátquapi.
Ces clans qui revenaient du nord avaient développé leurs propres idées et enseignements. Quand‚ enfin‚ ils arrivèrent à Palátquapi‚ ils virent cette ville épanouie et les gens qui continuaient à suivre les anciennes croyances ; ils en devinrent très envieux. Les gens de Palátquapi et les nouveaux arrivants ne purent vivre ensemble à cause de leurs différences de croyances. C’est ainsi que ces derniers s’installèrent en dehors de la ville mais pas trop loin. Ils appartenaient à un clan puissant‚ le clan du feu. C’était le clan qui régna pendant le premier monde et‚ finalement‚ causa sa destruction. L’envie et la jalousie poussèrent le clan du feu à attaquer Palátquapi. Nous gardons vivant le souvenir de ce combat par quelques-unes de nos cérémonies dans lesquelles les héros de ces démêlés apparaissent.
L’un des clans qui restèrent à Palátquapi et ne continua pas sa migration fut le clan Aása. Aása veut dire graines de moutarde‚ qui faisait partie de notre nourriture en hiver à nos débuts ici‚ à Oraibi. Le nom du clan fut transformé plus tard en Astak mais‚ à l’époque‚ c’était toujours le clan Aása. Les gens de ce clan obéissaient à leurs chefs et restaient fidèles aux enseignements des Kachinas.
Parmi eux se trouvait une famille avec trois enfants‚ une fille et deux garçons‚ qui jouèrent un rôle important dans cet événement de notre histoire tribale. La fille s’appelait Háhäwooti. Elle était très têtue et écoutait à peine ses parents. Mais elle était forte et‚ tout en étant la cadette‚ n’avait pas peur d’exécuter des travaux d’homme quand ses frères étaient absents. Le frère aîné s’appelait Cháckwaina et l’autre Héoto.
Palátquapi était entouré d’un mur de pierres et bien protégé. La ville avait déjà été attaquée de nombreuses fois‚ mais elle avait toujours pu se défendre et détruire l’ennemi. Quand le clan du feu commença son attaque‚ Héoto courut vers la maison pour prévenir ses parents. La mère était justement en train de coiffer Háhäwooti. Elle avait disposé les cheveux en rosette en haut du côté gauche de la tête‚ maintenant elle passait le peigne dans les cheveux du côté droit. C’est alors que Cháckwaina fit irruption dans la maison pour relater ce qui se passait. Puis il regarda sa sœur et dit : “Tu as toujours agi selon ta propre volonté et tu n’obéis jamais ni n’écoutes les parents ; maintenant‚ nous allons voir si tu es courageuse et si tu peux nous aider à défendre la ville.” Háhäwooti répondit à son frère : “Je vais te le montrer.” Et avant que sa mère n’ait pu lui attacher les cheveux du côté droit‚ elle prit l’arc et les flèches et partit en courant.

 

C’est pourquoi‚ dans la cérémonie‚ elle porte un carquois‚ un arc et des flèches‚ et ses cheveux sont défaits d’un côté. Elle montra vraiment beaucoup de courage pendant le combat‚ mais c’était son frère qui l’avait encouragée. Tous les trois se battirent avec courage – mais c’est surtout Háhäwooti qui guida le peuple – ils boutèrent l’ennemi hors de la ville et le poursuivirent très loin. Plus jamais il ne revint attaquer la ville. Háhäwooti‚ Cháckwaina et Héoto sont devenus des Kachinas grâce à leurs exploits. Pendant la cérémonie‚ les danseurs qui représentent les trois héros répètent et imitent leurs gestes et‚ en témoignage de leur grand courage‚ Háhäwooti et Cháckwaina ne sont pas obligés de danser avec les autres danseurs (Kachinas)‚ ils ont un rôle déterminant et peuvent sortir du rang. Ils portent des masques noirs‚ ce qui n’a rien à voir avec la race mais est le signe qu’ils sont maintenant des initiés et ne sont plus des êtres humains. La vraie signification de la couleur noire est le symbole de tout ce qui est mystérieux‚ connu seulement du créateur.
Sur un côté du visage de Cháckwaina est dessinée une lune‚ et sur l’autre une étoile. Ces symboles sont très importants. Comme nous le savons‚ la lune est loin de la terre‚ mais encore visible‚ la lune attire l’attention sur une grande distance dans l’univers‚ c’est pour reconnaître la distance encore plus grande de l’étoile. Cette étoile est le signe du système planétaire où habitent les Kachinas. Cette étoile et ses planètes ne sont même pas encore connues par les astronomes actuels. Elles ne seront découvertes qu’à la fin du septième monde. C’est à ce moment-là que nous serons informés de la Confédération des planètes mais aujourd’hui‚ dans l’état actuel de nos connaissances‚ nous ne pouvons pas encore nous y rendre.
Tu vois que pendant nos cérémonies‚ les actes de Háhäwooti et de ses frères jouent un rôle important. C’est de cette manière que nous gardons l’histoire en mémoire et que nous savons exactement ce qui s’est passé.

C’est également une histoire importante. Depuis le combat‚ beaucoup de temps s’est écoulé et notre peuple a beaucoup marché pour arriver enfin ici‚ sur notre terre. Mais nous avons toujours gardé vivant le souvenir de tous ces événements réels qui se sont passés‚ même si les membres d’un certain clan‚ qui sont toujours parmi les Hopis‚ n’aiment pas beaucoup y penser. Je veux te raconter cette histoire parce que l’on a trouvé des preuves sous forme de dessins rupestres et de sculptures.
Comme je l’ai déjà mentionné‚ parmi les guides spirituels‚ une scission s’était produite. Certains voulurent continuer à enseigner et à éduquer les jeunes gens en harmonie avec notre important héritage spirituel. Le clan du serpent en faisait partie. Mais d’autres‚ dont le clan de l’arc‚ ne voulurent pas continuer ainsi. Ce clan avait déjà agi de la sorte quand il participa à des accords qui conduisirent vers la destruction du troisième monde‚ ce fait étant connu par les Hopis.
Nous connaissons également la forme d’énergie qui fut utilisée pendant ce combat. Les scientifiques de nombreux pays travaillent au développement de telles armes.
Le clan de l’arc affirmait que sa façon de vivre l’avait rendu plus fort et il a provoqué le clan du serpent‚ ainsi que d’autres clans. Ils acceptèrent le défi.
Avant de continuer cette légende‚ je dois te dire encore quelque chose sur le clan du serpent. Nous‚ les Hopis‚ nous sommes les seuls à avoir comme symbole le serpent à six têtes. Une tête est dirigée vers l’est‚ une vers le nord‚ une vers l’ouest‚ une vers le sud‚ une vers le haut et l’autre vers le bas. Il s’agissait des directions spirituelles des différents clans du serpent de cette époque-là. Chacun des six serpents avait sa propre signification et ses propres tâches. Je ne veux pas tous les expliquer ici mais seulement celui qui joue un rôle dans cette histoire‚ à savoir celui qui montre la tête vers le bas‚ qui agit sous la surface de la terre. Nous connaissons vraiment un serpent qui s’enterre sous le sable et que nous appelons serpent des sables‚ il est connu sous le nom de “Sidewinder” (un serpent à sonnette du désert). En raison de la puissance de ce serpent‚ le clan du serpent fut “invité” à assurer la défense de la ville et tu verras bientôt pourquoi.
Les chefs des deux côtés se rencontrèrent afin de fixer les règles du combat. Il y eut d’importantes querelles comme aujourd’hui parmi les chefs d’états. On se mit d’accord pour que le combat commence deux jours après la fin de la réunion et que chaque côté essaye‚ pendant quatre jours‚ de conquérir la ville de l’ennemi. Le clan de l’arc voulut bien que ce soit le clan du serpent qui commence les hostilités‚ mais ce dernier dit : “Non‚ vous nous avez provoqués‚ c’est donc vous qui commencerez.” On s’est mis d’accord ainsi. Le combat devait commencer chaque jour au lever du soleil et se terminer quand le soleil touche l’horizon. Ce ne fut pas une guerre où l’on se bat homme contre homme avec des massues ou des arcs et des flèches. Les villes étaient distantes de 80 à 100 kilomètres l’une de l’autre et il s’est agi d’une guerre scientifique et technologique entre deux groupes très puissants. C’est pourquoi les deux clans n’aiment pas en parler‚ même aujourd’hui.
Pendant les deux jours suivants‚ toutes les préparations furent entreprises et‚ le troisième jour‚ quand le soleil apparut au-dessus de l’horizon‚ le combat commença. Le clan de l’arc bombarda la ville du clan du serpent avec les armes les plus fortes et les plus effrayantes dont il disposait. Ce qu’il utilisa est appelé aujourd’hui de l’énergie électrique‚ similaire à la foudre. Ce clan du serpent s’y était préparé. Le serpent que j’ai mentionné précédemment aida les gens à aller sous la terre et à se protéger avec un bouclier puissant et une sorte d’énergie électrique. Pendant la journée‚ seuls les chefs apparaissaient de temps à autre sous un bouclier pour voir la position du soleil. Ce fut difficile pour tous et tout le monde était soulagé quand le soleil se couchait et que tout redevenait tranquille. Il n’y avait plus ce tonnerre comme à chaque fois que la force puissante touchait le bouclier. On enleva le bouclier et tout le monde put sortir.
Le clan de l’arc savait qu’il n’avait fait aucun mal au clan du serpent et que ce dernier l’attaquerait le lendemain. Et maintenant‚ c’était au tour du clan de l’arc de faire des préparatifs de protection. Le jour se leva et le clan du serpent attaqua la ville du clan de l’arc. Il se donna beaucoup de mal ; ce fut comme un tir avec des explosifs atomiques tant les armes du clan du serpent étaient puissantes ! Mais le clan de l’arc avait également un bouclier puissant‚ car les deux côtés avaient fait d’importants progrès scientifiques. Et ainsi‚ le clan de l’arc put survivre ce deuxième jour. Le troisième jour‚ aucune décision ne tomba‚ mais le clan de l’arc perdit sa chance de victoire. Le quatrième jour arriva et donc la dernière chance de victoire était pour le clan du serpent. Il fit tout son possible mais ne put briser le bouclier de l’adversaire. Après quelques heures‚ dans l’après-midi‚ le clan du serpent décida de tenter quelque chose d’autre pour montrer sa force à l’adversaire. On cessa de tirer et on fit l’usage des capacités du serpent de pouvoir s’enterrer. Ils construisirent un tunnel au-dessous des fortifications du clan de l’arc.
Les gens du clan de l’arc s’étonnèrent que les bombardements s’arrêtent avant le coucher du soleil. Ils se demandèrent ce qui se passait ou si le clan du serpent avait abandonné. Ils étaient encore à se poser ces questions quand le chef du clan du serpent sortit du tunnel et dit : “Nous sommes ici et vous êtes vaincus. Nous pourrions vous tuer maintenant. Nous n’allons pas vous tuer‚ mais à partir de maintenant votre divinité Sáaviki doit porter un serpent dans la bouche lors de notre cérémonie‚ tous les quatre ans.” Ce fut la fin du combat.
Dans notre région‚ il y a des dessins rupestres avec un homme portant un serpent dans la bouche et‚ à d’autres endroits‚ se trouvent des sculptures qui montrent la même chose‚ par exemple à Tikal. Pour rester dans notre mémoire‚ la divinité du clan de l’arc porte un serpent dans la bouche pendant la cérémonie Powámuya‚ ici à Oraibi.
C’est ainsi que les Hopis se rappellent ce qui se passa il y a longtemps au Yucatán.

Après ces temps très troubles à Palátquapi et au Yucatán‚ nous nous sommes désunis. Palátquapi même ne fut pas détruite par la guerre. Les gens sont partis‚ Palátquapi avait perdu sa puissance et fut finalement détruite par un tremblement de terre. C’était quand le serpent fut remonté (parvenu en haut) et les jumeaux commencèrent leur long voyage. Beaucoup de clans reprirent leur migration‚ mais d’une manière isolée les uns des autres. Les Kachinas nous aidaient seulement en nous montrant le chemin. On n’utilisait plus de vaisseaux spatiaux. Cette fois-ci‚ nous devions vraiment nous battre. Nous devions mériter de posséder cette terre.

Ancien dessin gravé sur un rocher près d’Oraibi. Cette gravure est antérieure à l’invention des avions !
Ancien dessin gravé sur un rocher près d’Oraibi.
Cette gravure est antérieure à l’invention des avions !

Les migrations s’effectuèrent en direction des quatre points cardinaux. Les gens étaient venus du sud et maintenant‚ sur cette partie du continent‚ ils devaient se diriger vers le nord‚ l’est et l’ouest. Notre peuple était en marche dans toute l’Amérique du Nord. Des ruines et des tombeaux sur l’ensemble du continent attestent de nos mouvements. Nous sommes le seul peuple qui‚ même durant les migrations‚ construisirent des maisons en dur. Le créateur le souhaitait ainsi. Nous ne montions ni tentes ni huttes légères‚ seulement de vraies maisons‚ dans lesquelles nous restions parfois plusieurs années avant de poursuivre notre chemin. De tels lotissements ou leurs ruines montraient aux groupes qui arrivaient après nous que nous étions passés là longtemps avant eux.
D’autres groupes méprisaient l’ordre. Certains commencèrent les migrations et ne les terminèrent jamais ; d’autres restaient sur place quand ils trouvaient une région qui leur plaisait.

Le rocher où les différentes tribus ont gravé leurs symboles lors des différentes migrations (Grand Canyon)
Le rocher où les différentes tribus ont gravé leurs symboles
lors des différentes migrations (Grand Canyon)

Ils ne restaient que peu de groupes qui obéissaient toujours aux lois et qui transmettaient les vraies traditions. Tous les autres n’avaient plus la même religion‚ il leur manquait le savoir‚ alors que Táiowa les avait tous créés.

Les clans s’étendaient sur toute l’Amérique Centrale et l’Amérique du Nord. Les quelques clans qui continuèrent à respecter les lois essayèrent de trouver des guides spirituels. Ils cherchaient des enseignants car ils savaient qu’ils ne pouvaient pas remplir ce rôle eux-mêmes. Alors‚ à nouveau‚ quelques chefs spirituels décidèrent de réunir leurs clans afin d’enseigner aux jeunes générations le plus haut niveau de compréhension concernant les relations entre les hommes et le créateur‚ et enfin pour leur transmettre tous nos merveilleuses traditions qui‚ depuis le premier monde‚ sont restées vivantes à travers et malgré toutes les migrations et les temps difficiles.
A cette époque‚ on construisit la merveilleuse ville que l’on appelle aujourd’hui Casas Grande. Il semblerait que seulement quatre clans importants y aient vécu. Aujourd’hui‚ nous y trouvons les symboles du clan de l’aigle‚ du clan du serpent‚ du clan du maïs et du clan des fantômes. Il reste également des traces pouvant être des symboles d’autres clans.
Je me rappelle bien d’un jour‚ quand j’allais encore à l’école‚ où j’étais assis près de mon père. Il me demanda ce que j’avais appris à l’école. Il ne sembla pas satisfait de ma réponse et commença à me parler de cette ville.
Quand plus tard j’eus la chance de pouvoir la visiter avec mon père‚ je l’ai trouvée exactement telle qu’il me l’avait décrite‚ ainsi que son frère ultérieurement. Or‚ ils n’avaient jamais été à cet endroit. Alors comment ont-ils pu la décrire aussi précisément ? Naturellement‚ parce que leurs pères leur en avaient parlé de nombreuses fois. C’est de cette manière que nous gardons nos traditions. Les quatre clans se donnèrent beaucoup de mal pour attirer d’autres clans et‚ pendant un certain temps‚ cette ville devint un centre important. Sa fin arriva quand elle fut attaquée par le clan de l’araignée. Les clans qui habitaient la ville se défendirent avec courage‚ mais quand l’ennemi détourna la rivière qui alimentait la ville‚ ils durent renoncer. Ils n’ont pas capitulé car ils ont creusé un tunnel par lequel ils se sont tous sauvés. Les Kachinas ne les accompagnaient pas car‚ comme je l’ai déjà dit‚ ces derniers pouvaient se rendre invisibles pour quitter la ville. Cette ville fut le dernier grand lieu de rassemblement avant la réunification finale‚ ici à Oraibi.

Shungópovi est (avec Oraibi) un des plus ancien village du continent américain ayant été habité continuellement depuis sa fondation.  
Shungópovi est (avec Oraibi) un des plus ancien village du continent américain ayant été habité continuellement depuis sa fondation.
 

Il est connu que d’ici viendra la vraie connaissance. Oraibi est le plus vieux village de ce continent ayant été habité continuellement depuis sa fondation. Même les scientifiques furent obligés de l’admettre‚ d’une certaine façon. Ils ont examiné le bois ayant servi à la construction de nos maisons et ont conclu que le village fut créé vers 1150. Cela vous semble peut-être vieux‚ mais pour nous ce n’est que quelques siècles. Les archéologues ont jugé‚ d’après le bout de bois le plus vieux qu’ils ont trouvé‚ mais en réalité trois villages se trouvent en-dessous des bâtiments actuels et le premier village fut fondé il y a 4.000 ans. Oraibi ne fut pas le premier village de cette région. Le tout premier s’appelait Shungópovi et se trouvait au pied de la falaise du deuxième plateau‚ en-dessous du village actuel qui porte le même nom. Après quelques temps‚ il y eut une dispute entre deux frères à propos de la femme de l’un d’eux. Le plus jeune‚ Machito‚ décida de quitter le village et de fonder son propre village. Il l’appela Oraibi‚ et il s’appelle encore ainsi aujourd’hui. Comme Machito faisait partie du clan de l’ours et connaissait toutes les traditions de ses ancêtres‚ il apporta quelque chose qui‚ aujourd’hui‚ représente la possession la plus précieuse des Hopis‚ c’est-à-dire les quatre tablettes (planches) sacrées. Ce sont ses aînés qui les lui ont remis quand il décida de fonder son village.

  Seconde tablette du Clan de l’Ours (recto-verso)
 
Seconde tablette du Clan de l’Ours (recto-verso)

Plusieurs centaines d’années s’écoulèrent avant que tous les clans qui devaient venir soient arrivés. Déjà‚ longtemps avant la fondation d’Oraibi‚ les clans qui devaient venir s’installer ici avaient été choisis. Mais même ces clans choisis ne purent venir quand ils le désirèrent. Ce sont leurs Kachinas qui devaient leur dire : “Maintenant‚ il est temps pour vous d’y aller”‚ et ils sont venus. Ce fut la dernière fois que les êtres humains purent voir leurs divinités. A partir de là‚ d’autres Kachinas furent désignés pour rester avec les clans‚ mais seulement sous une forme spirituelle‚ et non plus corporelle‚ ne l’oublie pas. Chaque clan qui désirait venir à Oraibi devait d’abord s’installer à quelques kilomètres d’ici. Il y a de nombreuses ruines dans les environs qui furent de tels sites provisoires. Après un certain temps‚ les clans pouvaient envoyer leurs représentants pour rencontrer nos chefs afin de demander la permission de pouvoir s’installer ici durablement. Ils devaient raconter toute leur histoire passée‚ l’histoire de leurs migrations‚ où ils étaient allés‚ ce qu’ils avaient fait et s’ils avaient suivi les lois divines. Toute leur histoire complète devait être rapportée à mes pères du clan de l’ours. Mais‚ pour pouvoir être acceptés‚ il ne suffisait pas d’avoir terminé la migration‚ les clans devaient aussi préciser comment ils pensaient participer aux cérémonies successives annuelles. Il existe un cycle annuel qui n’est complet que si toutes les cérémonies de chacun des clans sont représentées et si l’ensemble se complète. Par conséquent‚ un clan qui voulait s’installer à Oraibi devait être en mesure de contribuer à notre cycle‚ avec sa propre cérémonie.

Les premiers clans qui arrivèrent après le clan de l’ours furent le clan des fantômes (clan du feu)‚ le clan de l’araignée et le clan du serpent. Tous ces clans réunis ne représentaient pas un très grand nombre d’habitants‚ car seuls les clans choisis étaient ceux qui vivaient en concordance avec le plan du créateur.

Certains clans ne purent être acceptés‚ bien qu’ayant la même origine que nous‚ mais ils n’avaient pas terminé leur migration. Ils s’installèrent dans les environs et on les désigne aujourd’hui comme les tribus pueblos. Bien sûr‚ le mot pueblo est d’origine espagnole‚ mais nous‚ nous leur donnons toujours leur vrai nom‚ comme par exemple les Si’os‚ que l’on appelle maintenant souvent Zuni‚ ou les Lagunas‚ les Pawaatees et les Hóotitim‚ entre autres.


Cérémonie chez les Indiens Pueblos de Santa Clara

D’autres clans ne purent être acceptés pour d’autres raisons‚ notamment le clan Aása. Ses membres vécurent un certain temps dans le Chaco Cañon‚ puis ils souhaitèrent venir ici. Ils nous montrèrent leur cérémonie‚ mais nos chefs dirent : “Non‚ nous n’en n’avons pas besoin.” Alors ils se sont souvenus des champs fertiles quelque part dans le Sud et ils y sont retournés. Beaucoup plus tard‚ ils sont devenus le grand peuple des Aztèques. Comme je te l’ai déjà dit‚ le clan Aása s’appelait à cette époque-là Astak‚ et les Espagnols en firent Aztèques. Quelques membres sont restés dans les environs‚ et c’est pourquoi nous avons toujours un clan Aása.

  Troisième tablette du Clan de l’Ours (recto-verso)
 
Troisième tablette du Clan de l’Ours (recto-verso)

Plusieurs siècles passèrent avant que nous soyons tous réunis. Mon clan‚ le clan des coyotes‚ arriva en dernier. Le clan des coyotes arrivait toujours à la fin. C’était déjà le cas en quittant Kásskara pour venir sur ce continent‚ et ce fut pareil à Oraibi. Cela ne veut pas dire que nous sommes lents‚ mais simplement que c’est notre destin. C’est comme un signal quand le clan des coyotes arrive : c’est la fin‚ après ça plus personne ne sera accepté. C’est aussi la raison pour laquelle les Kachinas portent une queue de renard dans le dos. Quand‚ après cette grande marche de Sikyátki‚ nous sommes arrivés à Oraibi‚ nous étions encore une fois les derniers‚ et plus personne ne vint à Oraibi après nous.
Comme tu le sais‚ Oraibi se trouve dans une région sèche et il n’est pas facile de comprendre pourquoi nous nous sommes installés ici définitivement. Laisse-moi te dire la raison : le clan de l’ours n’est pas venu dans cette région par hasard. C’est sa divinité qui le lui a demandé‚ car ici se trouve le centre de l’univers. En réalité‚ il se trouve à environ trois kilomètres au sud d’Oraibi‚ dans la vallée. L’endroit s’appelle Tuwánassáwi. Des gens du clan des Kachinas y ont vécu‚ il reste encore des ruines. Je ne t’en dirai pas plus‚ nous n’en parlons pas à d’autres gens.
Aujourd’hui‚ notre village tombe en ruines‚ parce que nous nous trouvons à la fin d’une période. Nous le reconstruirons dans le cinquième monde‚ mais ce sera à un autre endroit. Peut-être notre Oraibi actuel sera reconstruit comme lieu de souvenir national‚ mais il ne s’agit pas de la reconstruction d’Oraibi dans le cinquième monde dont je viens de parler.
Je voudrais répéter ici un point important : seulement quand un clan avait la permission de s’installer ici définitivement‚ les membres devenaient des Hopis‚ ceux qui sont restés fidèles aux lois du créateur‚ les rares élus‚ sont venus ici et sont devenus des Hopis.

Tant que nous étions en migration‚ on nous appelait le peuple d’alêne‚ ce qui se dit dans notre langue “Móochi”. Bien sûr‚ les Espagnols ont encore une fois mal prononcé ce mot et nous ont appelés Moquis. Pendant des millénaires‚ nous étions un petit peuple parmi les nombreuses tribus. Il y eut toujours des épreuves‚ des échecs et des tentations‚ et beaucoup furent éliminés.

Même ici nous avons eu nos problèmes‚ même encore aujourd’hui. Je te rappelle seulement les disputes parmi notre peuple il n’y a pas si longtemps‚ comme à l’époque de Patátquapi. Comme les disputes‚ les séparations de Patátquapi se répétèrent quand des gens sont partis d’Oraibi et fondèrent Hotevilla‚ puis Bakávi‚ et sont partis à Móenkopi et Kyákostsmovi. Vois-tu comment l’histoire se répète ?

Parmi les autres événements‚ c’est l’arrivée des Espagnols qui a bien sûr tout changé. Mais avant de t’en parler‚ je veux d’abord te raconter l’histoire de Húck’ovi.

J’ai entendu cette histoire très souvent depuis ma plus tendre enfance. Húck’ovi se trouve sur le prochain plateau‚ de l’autre côté des basses terres‚ juste en face d’Oraibi. Nous gardons ce souvenir vivant‚ car il nous montre ce qu’il va arriver au monde entier. Nous saurons quand le temps sera venu‚ car tout se passera à nouveau comme ça.

Le village fut fondé par le clan du front. C’est un des trois clans qui ont un rapport avec la chaleur et l’énergie. C’est la chaleur qui détruit et c’est la chaleur qui purifie‚ c’est pourquoi ces clans sont si importants. Par ordre de puissance‚ il y a d’abord le clan du feu‚ puis le clan du soleil‚ puis le clan du front. Leur divinité est Macháqua‚ le crapaud à cornes. Nous trouvons le signe du crapaud à cornes de nombreuses fois dans les dessins rupestres et les rochers‚ en bas. En ce qui concerne le clan du feu‚ on sait ce qu’il a fait avec le premier monde‚ il l’a détruit. Le clan du front reçut son nom durant la migration. Ce fut le dernier des trois clans qui arrivèrent au Pacifique. Les deux autres clans furent là bien avant et c’est pourquoi le clan du front devait se dépêcher pour arriver ici‚ dans cette région. Les gens de ce clan ne pouvaient reposer leur front qu’une nuit sur la plage‚ puis ils devaient prendre le chemin du retour. Et comme ils furent en retard et durent se presser‚ ils ont moins de considération et de puissance que les deux autres.

Le temps arriva où les gens n’écoutèrent plus leur chef dans leur village‚ jusqu’à lui désobéir et lui manquer de respect. D’après une vieille coutume‚ on ne peut régler une telle chose que par le départ des gens et la destruction du village. C’est ce qui s’est passé avant‚ avec le troisième monde‚ puis avec Táotoóma‚ Palátquapi‚ Casas Grande – ça se répète sans cesse. Et ça se répète aujourd’hui dans le monde entier‚ pense à toutes les disputes‚ contradictions et au manque de respect. C’est pourquoi nous‚ les Hopis‚ nous savons que la fin du quatrième monde arrivera bientôt. Nous en sommes proches.

Donc‚ on a pris la décision de détruire le village par un feu et une explosion après une dernière cérémonie. Certains ne crurent pas au feu et à l’explosion et restèrent au village pour voir ce qui allait se passer. D’autres sont partis avant la cérémonie. Trente hommes et trente femmes participèrent à la cérémonie. Chaque femme portait un plateau tressé sur lequel se trouvait de la farine de maïs pressée‚ avec un trou au milieu. Autour du trou‚ il y avait deux anneaux‚ l’un d’hématite rouge‚ l’autre d’hématite jaune. La masse jaune avait peut-être un rapport avec l’uranium que l’on a découvert à l’est de chez nous. Du trou sortait une flamme‚ quand la flamme s’étend‚ ou plutôt quand la flamme descend dans le trou‚ il y a une explosion‚ mais ça plus tard.
Le groupe de femmes et d’hommes arriva à travers les rochers par le côté ouest du village. Les femmes posèrent leur plateau à l’intérieur d’un cercle sur la place du village. Un des plateaux fut donné au chef. Il le prit et alla dans une maison pour le bénir. Puis il sortit rejoindre les hommes et les femmes qui avaient quitté le village plus tôt et les hommes et femmes qui avaient participé à la cérémonie partirent avec lui.

Comme je te l’ai dit‚ quelques hommes et femmes ne crurent pas quand on les mit en garde et ils restèrent. Quand les flammes disparurent dans les trous‚ il y eut une grande explosion et une chaleur intense‚ et tout le village et les gens qui étaient restés périrent. Même certains de ceux qui étaient partis plus tôt furent incommodés par la chaleur et il fallut les porter.

Les survivants ne purent aller à Oraibi parce que le temps n’était pas encore venu. Comme je te l’ai déjà dit‚ uniquement ceux qui pouvaient venir à Oraibi étaient ceux pour lesquels les Kachinas avaient déterminé le bon moment. C’est ainsi que le clan du front continua sa migration. Plus tard‚ ce clan fut le dernier à être accepté parmi les clans du feu. L’événement de Húck’ovi s’est déroulé il y a plus de 3.000 ans. Nous avons toujours une chanson concernant cet événement. On n’y dit pas pourquoi Húck’ovi fut détruite‚ mais seulement ce qui arriva après l’explosion. On chante cette chanson lors de la cérémonie de Húck’ovi‚ mais en fait il s’agit d’une mise en garde pour le monde entier. Dans cette région‚ un seul village fut détruit‚ et les gens qui sont partis à temps furent sauvés. Mais dans la chanson on dit que les gens vont de village en village et ne trouvent pas de refuge. Ils ne le trouveront nulle part‚ car ça brûle partout. Il n’y a pas de remède‚ car ce sera le feu qui détruira notre quatrième monde. Ce ne sera pas une guerre atomique‚ mais une arme électrique que l’on est en train de développer et qui sera découverte bientôt. Je ne sais pas comment agira cette arme exactement‚ mais elle enverra quelque chose qui ressemble à des ondes radio et ça partira d’une station et ça ira partout.

Quand les Kachinas sont partis‚ ils nous ont dit de ne pas oublier qu’il y aura‚ un jour‚ des gens d’un autre pays qui viendront nous voir pour nous parler d’une autre croyance. Ils ont donné à mes pères du clan de l’ours un bâton d’environ deux mètres de longueur sur lequel ils nous demandaient de marquer chaque année qui passait. Le bâton était de couleur noire et‚ chaque année‚ au moment de Soyál‚ nous y avons fait un trait blanc. Les gens d’un autre pays devaient venir quand le bâton serait couvert de traits du haut jusqu’en bas. Les Kachinas nous avaient demandé de rencontrer ces gens à un endroit appelé Kowáwayma‚ qui se trouve sur le Rio Grande‚ à environ cinquante kilomètres au nord d’Albuquerque. Là-bas se trouve maintenant une ruine avec‚ à l’intérieur‚ une belle et grande peinture dont j’ai copié une partie pour “Le livre des Hopis”. C’est d’ailleurs le même endroit où les Navajos s’arrêtèrent sur leur chemin de retour après avoir été libérés de prison. Ils cassèrent leurs flèches‚ les posèrent dans les ruines et ont juré de ne plus jamais causer d’ennuis aux Hopis.

Si les étrangers ne venaient pas cette année-là‚ nous devions encore ajouter cinq années sur un nouveau bâton et le lieu de rencontre‚ dans ce cas‚ devait être Sikiá’ova‚ ce qui veut dire “pierre jaune”. Cet endroit se trouve près de la vieille route menant vers Oraibi. Si‚ après ce délai‚ ils n’étaient toujours pas là‚ nous devions les rencontrer cinq ans plus tard à un endroit plus haut‚ sur la route qui s’appelle Chiwáchukha‚ ce qui veut dire “glaise durcie”. Après cinq autres années‚ nous devions les rencontrer à un endroit appelé Nahúyangowasha‚ “champs croisés”. Après encore cinq ans‚ comme dernier lieu de rencontre‚ fut fixée une place sur le bord de la falaise à l’est d’Oraibi. Le nom de cette place est Táotoóma.
Quand le premier bâton fut rempli‚ les gens n’étaient toujours pas venus. Cinq ans passèrent encore‚ et toujours rien. Ainsi passèrent cinq années après cinq années. D’après notre tradition‚ c’est Pahána‚ le frère‚ qui devait conduire ces gens sur notre continent. Pahú veut dire “eau”‚ mais nous ne le prononçons pas entièrement‚ nous le contractons et ne disons que “pa”‚ et la syllabe “ha” signifie “un voyage sur l’eau”‚ c’est-à-dire avec un bateau. Pahána est donc “l’homme qui traverse l’eau avec un bateau”‚ ce qui montre que plusieurs millénaires avant l’événement on savait déjà que les gens viendraient en bateau et non sur des boucliers volants.
Nos gens commencèrent à se faire du souci que personne n’arrivât. Le grand retard signifiait que ce n’était pas les gens attendus qui viendraient. Enfin‚ avec un retard de vingt ans‚ ils arrivèrent et nous nous préparâmes à les attendre à Táotoóma‚ comme on nous l’avait demandé. Tu te rappelles sûrement que Táotoóma était aussi le pays du continent qui sortait de l’eau‚ l’endroit “qui fut touché par le bras du soleil”. Les étrangers arrivèrent donc à cet endroit qui portait le même nom. Il y a longtemps‚ ce nom signifiait un nouveau commencement‚ et cette fois-ci‚ ce fut aussi un nouveau commencement.
Comme je l’ai dit‚ ce retard de vingt ans inquiétait mon peuple et quand les Espagnols arrivèrent‚ tout avait été préparé pour les recevoir. Nos anciens et les chefs religieux vinrent pour les accueillir. Les étrangers portaient des armures et toutes leurs armes‚ mais nous n’avions pas peur. Nous pensions encore qu’il s’agissait de frères‚ d’êtres humains civilisés. Puis la tragédie commença. Le chef d’Oraibi tendit sa main pour un “nackwách”‚ le signe de la vraie fraternité. Si l’homme en face avait compris ce signe‚ tout aurait été bien. Mais quand le chef tendit sa main‚ l’Espagnol crut qu’il voulait un cadeau et lui donna des babioles sans valeur.
Ce fut un coup dur pour les Hopis‚ les étrangers ne connaissaient pas le signe de la fraternité ! Notre peuple prit alors conscience qu’à partir de ce moment le malheur s’abattrait sur les Hopis. Et cela s’est passé ainsi‚ nous l’avons vécu.

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